Indemnisation : Le prix d’achat du véhicule ne compte pas

Commentaire de l’arrêt rendu le 7 février 2019 par la 2ème Chambre civile de la Cour de cassation – pourvoi n°17-31256

Dans l’affaire qui a donné lieu à l’arrêt commenté, la Cour de cassation a censuré la Cour d’appel de Versailles qui avait privé d’indemnisation un assuré faute pour lui de produire la facture d’achat du véhicule.

Le débat n’aurait peut-être pas successivement mobilisé 3 juridictions si l’enjeu financier n’était pas significatif ; il s’agissait d’une Lamborghini qui avait percuté la glissière de sécurité…

L’assuré avait successivement provoqué deux accidents et avait abandonné son véhicule sur les lieux du second, avant de refuser de produire le justificatif d’achat de son véhicule.

L’assureur soutenait que la facture d’achat était nécessaire pour vérifier que l’assuré ne réalisait pas un enrichissement grâce à l’assurance.

La Cour de Cassation a parfaitement recadré le débat en distinguant le principe de non-enrichissement du principe indemnitaire, tout en relevant l’absence de prévisions contractuelles qui auraient pu autoriser l’assureur à exiger un justificatif.

Principe indemnitaire et enrichissement

L’article L. 121-1 du code des assurances précise que « l’indemnité ne peut pas dépasser la valeur de la chose assurée au moment du sinistre ».

Ce texte qui est d’ordre public fait obstacle à ce qu’un assuré puisse recevoir une indemnisation d’un montant supérieur à la valeur du bien garanti à la date du sinistre.

Les situations sont nombreuses dans lesquelles des biens ont été acquis pour une valeur moindre que celle qu’ils ont atteinte au jour du sinistre, il en est ainsi des biens dont la valeur fluctue au fil du temps, comme cela peut-être le cas pour des véhicules de collection, ou encore des biens qui ont été acquis à la faveur d’une bonne affaire.

Mais c’est encore davantage le cas des biens qui ont été reçus par donation, héritage, ou qui auraient été gagnés à une loterie.

Un bien reçu par donation qui est détruit à l’occasion d’un sinistre entraîne un appauvrissement de son propriétaire qui ne l’a pourtant pas payé, et c’est cet appauvrissement que l’assureur de dommage va compenser.

Le risque d’enrichissement semble quant à lui exclu. L’indemnité d’assurance est la contrepartie du paiement de la prime qui vient elle-même garantir la survenance de l’événement aléatoire qui s’est réalisé.

La possibilité d’un aménagement contractuel

L’arrêt reproche également à la Cour d’appel de ne pas avoir constaté que des stipulations contractuelles exigeraient la production de la facture, au demeurant inutile a fortiori pour déterminer la valeur de remplacement du véhicule.

Une clause du contrat d’assurance pourrait exiger la production de la facture du véhicule. La force obligatoire du contrat permettrait de justifier une telle clause dont on ne voit pas en quoi elle serait critiquable.

Toutefois, le reproche pourrait être fait à l’assureur de ne pas avoir exigé le justificatif d’achat lors de la souscription du contrat, ou de ne pas avoir attiré l’attention de l’assuré sur le fait que le contrat ne présente qu’un intérêt moindre dans l’hypothèse où il ne serait pas en mesure de produire un justificatif d’achat de son véhicule.

L’assureur pourrait en profiter pour exiger la justification de l’acquisition du véhicule dans des conditions licites.

Ainsi, cette décision semble consacrer l’impossibilité pour un assureur de se prévaloir de l’absence de justification de la licéité de l’acquisition comme cause de refus de garantie.