La remise d’une notice d’information à l’adhérent d’un contrat d’assurance-emprunteur (Civ. 1re, 5 avril 2018, n° 13-27.063) – AJ 2018.233

Arrêt rendu par Cour de cassation, 1re civ.

05-04-2018, n° 13-27.063 (FS-P+B)

Sommaire

L’arrêt du 5 avril 2018, rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation et publié au Bulletin, est le dernier en date d’une série de décisions relatives à l’obligation d’information pesant sur le prêteur, initiée par un arrêt remarqué du 2 mars 2007 (Cass., ass. plén., 2 mars 2007, n° 06-15.267, D. 2007. 985 , note S. Piedelièvre ; ibid. 863, obs. V. Avena-Robardet ; ibid. 2008. 120, obs. H. Groutel ; ibid. 871, obs. D. R. Martin et H. Synvet ; RDI 2007. 319, obs. L. Grynbaum ; RTD com. 2007. 433, obs. D. Legeais ).

En l’espèce, un conducteur de poids lourds a garanti auprès de l’assureur de sa banque deux prêts immobiliers contractés avec son épouse. Placé plus tard en arrêt de travail, l’adhérent a pu bénéficier de la prise en charge par la compagnie d’assurances des échéances bancaires jusqu’à ce qu’un médecin-conseil le déclare apte au travail statique. L’assureur a par la suite refusé de rembourser les prêts, affirmant que le contrat d’assurance ne couvrait que les risques décès, invalidité permanente et absolue, enfin incapacité temporaire totale. Contestant la position de l’assureur, l’adhérent a prétendu que le prêteur n’avait pas rempli son obligation d’information. En l’espèce, la banque s’était contentée de lui remettre les conditions générales et les conditions particulières du contrat d’assurance. Les juges d’appel ont cependant considéré que la remise de ces documents suffisait, dans la mesure où l’adhérent en avait pris connaissance et les avait paraphés. Pour les juges du fond, la remise d’une notice supplémentaire ajoutait à la loi une condition de forme qu’elle ne prévoyait pas. La Cour de cassation censure l’arrêt d’appel en ces termes : « Attendu que le souscripteur d’une assurance de groupe ne s’acquitte de son obligation d’information à l’égard de l’adhérent qu’en annexant au contrat de prêt une notice spécifique, distincte de tous autres documents contractuels ou précontractuels, définissant de façon claire et précise les risques garantis et les modalités de la mise en jeu de l’assurance ; […] Qu’en statuant ainsi, alors que la remise des conditions générales et particulières du contrat ne pouvait suppléer le défaut de remise de la notice, la cour d’appel a violé [l’article L. 311-12 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2003-706 du 1er août 2003] ».

Texte(s) appliqué(s)

  • Code de la consommation – art. L. 313-29 nouv. – art. L. 311-12 et L. 312-9 anc.

L’insuffisance de la remise des conditions générales et des conditions particulières.

L’arrêt du 5 avril 2018 a le mérite de rappeler que la notice d’information exigée par le code de la consommation ne se confond pas avec les conditions générales du contrat. À ce titre, l’article L. 311-12 de ce code dispose, dans sa rédaction applicable à l’espèce, que « lorsque l’offre préalable est assortie d’une proposition d’assurance, une notice doit être remise à l’emprunteur, qui comporte les extraits des conditions générales de l’assurance le concernant, notamment les nom et adresse de l’assureur, la durée, les risques couverts et ceux qui sont exclus ». Il ne faut pas se méprendre : si la notice doit reprendre les termes des conditions générales, celles-ci ne peuvent en elles-mêmes constituer la notice, en sorte que le contenu ne fait pas le contenant. En l’espèce, le prêteur a remis les conditions générales et les conditions particulières à son adhérent, lequel reconnaissait en avoir pris connaissance. Pour la Cour de cassation, cela ne change rien : « La remise des conditions générales et particulières du contrat ne pouvait suppléer le défaut de remise de la notice ». Le prêteur ne peut donc se contenter de la remise des conditions – même si, comme en l’espèce, il a précisé à son adhérent que ces documents « valaient notice d’assurance ». La Cour, il faut le noter, n’a pas toujours tenu cette position (Civ. 1re, 13 févr. 2001, n° 98-18.024 : la cour d’appel justifie légalement sa décision en estimant que la banque avait rempli son obligation d’information, les époux adhérents ayant reconnu « avoir une parfaite connaissance des conditions et modalités de l’assurance » grâce aux « conditions générales valant notice d’information »).

La forme et le contenu de la notice. L’article L. 312-9, 1° du code de la consommation, repris à droit constant par le nouvel article L. 313-29, 1° du même code, dispose que « lorsque le prêteur propose à l’emprunteur l’adhésion à un contrat d’assurance de groupe qu’il a souscrit en vue de garantir en cas de survenance l’un des risques que ce contrat définit, soit le remboursement total ou partiel du montant du prêt restant dû, soit le paiement de tout ou partie des échéances dudit prêt, les dispositions suivantes sont obligatoirement appliquées : 1° Au contrat de prêt est annexée une notice énumérant les risques garantis et précisant toutes les modalités de la mise en jeu de l’assurance […] ».

À l’appui de ce texte, la Cour de cassation impose au prêteur d’annexer au contrat de prêt une notice « spécifique, distincte de tous autres documents contractuels ou précontractuels ». Cette notice doit définir « de façon claire et précise les risques garantis et les modalités de la mise en jeu de l’assurance ». Pourtant, comme le relevaient les juges du fond lorsqu’ils affirmaient que l’exigence d’une remise distincte était un ajout à la loi, le texte n’exige pas explicitement que la notice soit séparée des autres documents. En l’espèce, la Cour de cassation reprend la position de certains tribunaux et cours d’appel en matière d’assurance-vie. Citons par exemple ce jugement du tribunal de grande instance de Paris (4e ch., 2e sect.) rendu le 17 janvier 2003 : « En exigeant la remise d’une note d’information sur les dispositions essentielles du contrat, le législateur a nécessairement entendu que cette note soit distincte des conditions générales qui constituent le contrat lui-même et comportent indistinctement l’intégralité des conditions de celles-ci ». Deux arrêts très remarqués rendus par la Cour de cassation le 7 mars 2006 (Civ. 2e, 7 mars 2006, nos 05-10.366 et 05-12.338, D. 2006. 807 ; ibid. 2008. 120, obs. H. Groutel ; RDI 2006. 173, obs. L. Grynbaum ) avaient entériné cette solution en matière de renonciation à l’assurance-vie, sur le fondement de l’article L. 132-5-3 du code des assurances. Depuis, la question était de savoir si l’on pouvait généraliser cela à l’ensemble des assurances de groupe. La doctrine était elle-même divisée (G. Courtieu, « Notes et notices d’information… vers un excès de formalisme ? », obs. ss Civ. 2e, 25 janv. 2007, n° 05-19.700, RCA 2007, n° 6 ; Rép. civ., v° Assurance de personnes : vie – prévoyance, par J. Kullmann n° 312 ; D. 2007. 577, obs. C. Rondey ; ibid. 2008. 120, obs. H. Groutel ). L’arrêt du 5 avril 2018 a le mérite de trancher la question pour les assurances emprunteur, en reprenant l’attendu d’un arrêt du 8 novembre 2017 (Civ. 1re, 8 nov. 2017, n° 16-14.861, AJDI 2018. 191 , obs. F. de La Vaissière ).

Remarquons enfin que l’article L. 312-9 n’impose qu’une énumération simple des risques garantis, et non une définition « claire et précise » comme l’exige la Cour. Il s’agit, là encore, d’une reprise de la jurisprudence antérieure (Civ. 2e, 25 janv. 2007, n° 05-19.700, D. 2008. 120, obs. H. Groutel ; ibid. 2007. 577, obs. C. Rondey ; Civ. 1re, 2 oct. 2007, n° 04-20.437).

La décision de la Cour de cassation est très favorable aux adhérents des assurances emprunteur. La connaissance que peut avoir l’adhérent des risques garantis et des modalités de mise en jeu de l’assurance est indifférente : seule compte, en effet, la remise d’une notice spécifique et bien distincte des autres documents contractuels. Dans la mesure où seules les indications figurant dans la notice sont opposables aux adhérents (Civ. 1re, 9 févr. 1999, n° 97-10.810, RDI 1999. 292, obs. H. Heugas-Darraspen ), le défaut de remise du document peut avoir de lourdes conséquences pour le prêteur. Le cas échéant, celui-ci engage sa responsabilité à l’égard de l’adhérent (par ex. Civ. 1re, 2 déc. 1992, n° 90-20.847, RGAT 1993. 138, note J. Kullmann).

À retenir

Le prêteur ne s’acquitte de son obligation d’information que s’il remet effectivement une notice à l’adhérent. Appliquant à l’assurance emprunteur une solution déjà retenue en assurance-vie, la Cour de cassation exige en outre que cette notice soit parfaitement distincte des autres documents contractuels ou précontractuels. La remise des conditions générales ne supplée jamais l’absence de remise de la notice. Le défaut de remise de la notice engage la responsabilité du prêteur. Enfin, l’adhérent ne peut se voir opposer ce qui figure dans la notice non remise.

Bertrand Néraudau et Pierre Guillot
Avocats à la Cour