Les déclarations en assurance

Revue togolaise de droits des affaires et d’arbitrage, n° 16 (févr. 2018), p. 30

Les meilleures déclarations sont celles auxquelles on ne comprend rien et que par conséquent, personne, par la suite, ne pourra vous reprocher

André Frossard, Les pensées.

Déclarer tire son origine du verbe latin declarare signifiant faire voir clairement. C’est l’action de porter à la connaissance de l’autre des informations déterminées.

La vie d’un contrat d’assurance est marquée par deux événements importants qui sont :

  • La déclaration des risques par laquelle l’assuré porte à la connaissance de l’assureur des informations sur sa situation et son exposition aux différents risques que le contrat aura vocation à garantir.
  • La déclaration d’un sinistre consécutive à la réalisation d’un événement garanti par le contrat.

La déclaration est une obligation fondamentale de l’assuré qui représente une « obligation spécifique du droit de l’assurance, car en droit commun il est admis que chaque partie n’invoque que les arguments favorables à ses propres intérêts et les vices du consentement, notamment l’erreur et le dol, n’entraînent la nullité du contrat que s’ils portent sur une qualité substantielle de l’objet du contrat déterminante pour l’autre partie »[1] .

Le contrat d’assurance est un contrat « d’extrême bonne foi ».

Il importe de remarquer à cet égard que l’usage de la formule de « fausse déclaration » à mauvais escient relève de l’abus de langage et sous-entend aussi bien « fausse déclaration de risque » que « fausse déclaration de sinistre ». Cette dérive linguistique appelle la plus grande prudence à ne pas se méprendre sur les règles et principes qui gouvernent ces faux amis. En effet, il n’existe pas de symétrie entre la déclaration de risque et la déclaration de sinistre. Le législateur français a bien pris le soin de dresser le régime légal de la première et a laissé aux parties le soin d’aménager leur convention pour la seconde.

S’il est possible de sanctionner sévèrement la mauvaise foi de l’assuré à l’aune de ses fausses déclarations de risques, il n’en est pas de même en matière de déclaration de sinistre où une large place est laissée pour la liberté contractuelle.

La relation assureur/assuré n’est pas autant celle du pot de terre contre le pot de fer qu’on puisse le penser.

Déclarations dissymétriques

Périmètre de la couverture

Déclaration initiale

La déclaration initiale permet à l’assureur de se former une « opinion du risque » à la lumière de laquelle il va apprécier l’étendue de son engagement et l’ajuster en demandant une prime plus élevée ou limiter sa garantie voire même la refuser. Cette étape revêt une importance capitale en ce qu’elle permet de circonscrire le périmètre du contrat avec cette spécificité que les risques qui se situent sur sa tangente ont vocation à être assurés[2].

Quelles sont les circonstances que l’assuré doit déclarer ? L’assuré doit déclarer les circonstances dont il connaît l’existence et qui résultent d’éléments subjectifs tenant à la sa personnalité d’une part et d’éléments objectifs relatifs à l’objet du contrat d’assurance d’autre part.

Quelles sont les modalités de déclaration ? Aux termes de l’article L. 113-2-2° du Code des assurances, l’assuré est obligé « De répondre exactement aux questions posées par l’assureur, notamment dans le formulaire de déclaration du risque par lequel l’assureur l’interroge lors de la conclusion du contrat, sur les circonstances qui sont de nature à faire apprécier par l’assureur les risques qu’il prend en charge ».

Dans le passé, la France a opté pour le système de déclaration spontanée qui comme son nom l’indique repose sur une initiative de l’assuré. Cependant, les omissions spontanées de l’assuré, peu initié à la technique de l’assurance, se prêtaient mal à l’appréciation de leur hypocrisie.

La loi Bérégovoy du 31 décembre 1989[3] est venue mettre un terme aux dérives du système en place et le remplacer par la déclaration apprêtée. Un questionnaire « limitatif et précis », établi par l’assureur contient les questions qui l’intéressent.

Sanctions dissymétriques

Sanctions légales de la violation de l’obligation de déclaration des risques

Las sanctions du non-respect de l’obligation de déclaration des risques sont prévues par les articles L. 113-8 et L. 113-9 du Code français des assurances et des articles [insérer Code CIMA]. Ces sanctions varient en fonction de la bonne ou mauvaise foi du souscripteur d’une part et en fonction de l’influence de la circonstance non déclarée sur l’opinion du risque de l’assureur[4] d’autre part.

Fausse déclaration intentionnelle

Le Code des assurances français prévoit, en son article L. 113-8 du Code des assurance, la nullité du contrat d’assurance ainsi que la conservation des primes à titre de dommages et intérêts en cas de réticence ou de fausse déclaration intentionnelle de la part de l’assuré, quand cette réticence ou cette fausse déclaration change l’objet du risque ou en diminue l’opinion pour l’assureur, alors même que le risque omis ou dénaturé par l’assuré a été sans influence sur le sinistre.

Cette sanction lourde de conséquences pour l’assuré nécessite la réunion de trois conditions : Premièrement, il est nécessaire de constater l’existence d’une fausse déclaration c’est-à-dire une communication d’informations inexactes ou bien une omission. Deuxièmement, la mauvaise foi de l’assuré doit être caractérisée comme un acte volontaire visant à tromper l’assureur sur le risque assuré et dont la preuve incombe à ce dernier. L’évaluation de la bonne foi du souscripteur relève de l’appréciation souveraine du juge et s’appuiera dans une large mesure sur les réponses du questionnaire. Troisièmement, la fausse déclaration doit impacter l’objet du risque ou en diminuer l’opinion pour l’assureur. En d’autres termes, la connaissance de la circonstance cachée ou omise aurait dissuadé l’assureur de contracter ou bien d’accorder sa garantie en contrepartie d’une prime plus importante. Cette troisième exigence est tout à fait distincte de toute influence sur la survenance d’un sinistre. En effet, il importe peu que la fausse déclaration intentionnelle joue un rôle dans la survenance du sinistre. Tout ce qui compte c’est d’avoir biaisé l’appréciation globale du risque par l’assureur.

Non déclaration des circonstances nouvelles en cours de contrat

La fausse déclaration peut aussi porter sur l’absence de déclaration en cours de contrat d’une variation de risque ou de la création d’un risque nouveau.


[1] Lambert-Faivre Yvonne, Droit des assurances, Dalloz, p. 268.

[2]Art. L. 112-3 al. 2 du Code des assurance dispose que « Lorsque, avant la conclusion du contrat, l’assureur a posé des questions par écrit à l’assuré, notamment par un formulaire de déclaration du risque ou par tout autre moyen, il ne peut se prévaloir du fait qu’une question exprimée en termes généraux n’a reçu qu’une réponse imprécise ».

[3] Cette réforme fait écho aux recommandations de la Commission des clauses abusives du 6 décembre 1985 relatives aux contrats multirisques habitation.

[4]BONNARD Jérôme, Droit des assurances, LexisNexis, Paris, 2012, 4ème ed. , p. 139. « En général, la question de la détermination de l’influence de telle ou telle circonstance non déclarée par l’assuré sur l’opinion du risque de l’assureur se pose lorsque celui-ci entend mettre en œuvre les sanctions prévues par la loi ».